Il fut, en somme, la première victime de ces courants de calomnie populaire qui, habilement exploités par des hommes influents et haineux, terrassèrent plus d’un bon serviteur de la France sous la troisième République. Plus d’un aussi, parmi ceux-là, a déjà trouvé, par un retour de l’opinion, la réhabilitation que méritait sa mémoire.
Gambetta, que la France avait acclamé, n’était pas encore l’homme politique avisé et réfléchi qui présida plus tard la Chambre des députés. Les grandes idées qui hantaient son cerveau ne pouvaient lui tenir lieu de cette expérience, de cette « notion des difficultés » que les hommes acquièrent plus ou moins rapidement, selon leur degré d’intelligence et de savoir-faire, mais qui jamais ne sont innées chez eux. Six mois d’un pouvoir dictatorial l’avaient grisé : quand vinrent les élections, il voulut rendre inéligibles tous ceux qui avaient servi l’Empire ; il fallut la résistance de ses collègues pour l’empêcher d’entrer dans cette voie ; de dépit il se retira.
Son heure n’était pas venue. L’homme sur qui maintenant se concentraient tous les regards avait le double privilège d’avoir un passé politique et cependant de n’être en rien compromis par le régime déchu. Il avait été un grand ministre, ou du moins bien des gens le jugeaient tel ; il était devenu un grand écrivain ; son attitude à la veille de la déclaration de guerre et son voyage à travers l’Europe, à la recherche des sympathies étrangères, faisaient de lui
de soi-même est un réel avantage. J’en jouis et je n’ai point attendu la défaite pour cela… Je ne souhaiterais rien si je ne me prenais quelquefois à penser que l’acharnement qui m’honore m’enlève la force d’être utile. » Jules Favre, Conférences et Mélanges.