à créer cette armée pour la défense du sol et la protection de la nation constitue la plus grande victoire morale qu’un peuple ait jamais remportée sur lui-même, et prouve que son patriotisme est égal à toutes les difficultés et supérieur à tous les périls.
Tocqueville, en rappelant la dangereuse influence de l’esprit militaire sur les démocraties, a formulé une vérité que personne ne s’était encore avisé de contester. L’officier aristocratique de jadis était quelqu’un en dehors de son grade, tandis que l’avancement est la seule source de considération et d’honneur de l’officier démocratique, et la guerre est la seule occasion d’avancement. Il se trouve ainsi que les armées des peuples qui sont le plus attachés à la paix sont celles qui désirent le plus la guerre, « Ces dispositions opposées de la nation et de l’armée font courir aux sociétés démocratiques de grands dangers ; leurs armées se montrent souvent inquiètes, grondantes et mal satisfaites de leur sort[1]. » « Cette faiblesse des républiques démocratiques en temps de crise, dit encore le célèbre écrivain, est peut-être le plus grand obstacle qui s’oppose à ce qu’une pareille République se fonde en Europe. Pour que la République démocratique subsistât sans peine chez un peuple européen, il faudrait qu’elle s’établit en même temps chez tous les autres. S’il venait jamais à se fonder une république démocratique comme celle des États-Unis dans un pays où le pouvoir d’un seul aurait déjà été établi et fait passer dans les mœurs, comme dans les lois, la centralisation administrative, je ne crains pas de le dire,
- ↑ A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t. iii.