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la nation armée.

former dans l’esprit d’un tel peuple, et la notion de la grandeur par l’unité se fût-elle introduite dans le cerveau de quelques-uns que les rivalités des grands centres eussent combattu cette illogique innovation. » Aussi, « dès qu’on parlait de guerre, la moitié au moins des hommes que leur âge rendait propres au service s’empressaient de se réfugier à la montagne, hors de l’atteinte des agents de recrutement[1] ». Le peuple juif connut le patriotisme sous la forme « d’un dieu national identifié avec la nation, victorieux avec elle, vaincu avec elle, le double, le génie personnifié, l’esprit de la nation dans le sens que les sauvages donnent au mot esprit[2] ». La Grèce fut une confédération de cités au-dessus desquelles planait une idée, celle de la supériorité de la race et de sa prédestination. Rien que cela suffit à effacer par instants les divergences, à faire tomber les barrières et à dresser une Grèce momentanément unifiée en face de l’étranger ; mais c’étaient les productions de leur génie, les légendes dorées de leur passé que les Grecs aimaient et qu’ils défendaient contre les « barbares ». À Rome, il y a un emblème, une sorte de drapeau ; c’est l’emblème de la puissance romaine, de ce pouvoir exercé par une poignée de citoyens sur un pays d’abord, puis sur un ensemble de pays et, enfin, sur toute une portion de l’univers connu. La formule Senatus populusque romanus ne représente pas une patrie, mais un état de choses. L’Empire, qui vient ensuite, n’est pas non plus une nation ; c’est une administration. Vercingétorix, lui, est un patriote ; il pressent l’existence d’une puissance morale qui serait

  1. Maspero, Sous le règne de Ramsès ii.
  2. E. Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. ier.