tard, lorsque la monarchie est devenue le point central, lorsque « le loyalisme de la noblesse et l’amour du peuple envers le souverain tiennent lieu de patriotisme[1] », dans les rangs obscurs des soldats qui meurent pour des intérêts dynastiques, par delà la figure du Roi, apparaît, sans doute, celle de la patrie, mais incertaine, sans contours précis, sans couleur déterminée. Ils la devinent plus qu’ils ne la voient : ils lui doivent pourtant cette consolation de sentir que leur sang répandu pour des causes ingrates fécondera son avenir. Les monarques patriotes, comme Louis xi et Charles v, ne sont plus. Louis xiv aime la France, comme plus tard l’aimera Napoléon, parce qu’il la possède et non parce qu’il sort d’elle. Les grands chefs changent de pays ; ils vont et viennent d’un peuple à un autre, pratiquant le condottiérisme militaire et diplomatique, comme Eugène de Savoie et Mazarin. Puis, aux approches de la Révolution, d’où sortiront les patries sous leur forme moderne, les classes éclairées, qui se détachent de la royauté, s’élèvent, cherchant leur voie, à l’idée de l’humanité. « Nos écrivains du dix-huitième siècle, dit M. Lavisse, ont retrouvé l’humanité perdue depuis le temps de Platon, de Sénèque et de Marc-Aurèle, ou, du moins, remplacée au moyen âge par l’idée ecclésiastique de la chrétienté, plus tard par l’idée politique de l’Europe[2]. »
En Allemagne, de même. « C’est toujours de l’humanité qu’il est question ; l’idée de patrie manque[3]. » Leibnitz l’a conçue et exprimée, mais ses tendances pangermani-