betta alarma ceux qui le suivaient. Incapables de voir de loin et de haut comme leur chef, ceux-ci ne comprenaient pas que l’armée républicaniserait de force les hommes qui lui consacraient leur existence, et cela par le seul effet du sentiment du devoir. D’autres incidents, à diverses reprises, firent naître des craintes sur la durée de cet harmonieux équilibre qui faisait l’étonnement et l’admiration de l’Europe. On redouta que l’armée ne compromît la paix, ou bien que la politique ne compromît l’armée ; mais non ! Rien n’affaiblissait la discipline des soldats, ni le dévouement des citoyens. Au temps des disputes les plus âpres, des luttes électorales les plus chaudes, la question militaire dans son essence, sinon dans ses détails, demeura au-dessus des partis, là où l’avait, dès le premier jour, élevée Gambetta, à la place où les peuples déposent leurs arches d’alliance.
Avec plus de sagesse encore, les gouvernants passaient l’éponge sur les boutades antirépublicaines qui échappaient aux généraux, entre deux manœuvres. Les ministres et le chef de l’État lui-même se contentaient des saluts un peu écourtés et parfois un peu dédaigneux qu’ils recueillaient des autorités militaires. Pendant longtemps le nom de la République demeura absent des allocutions et des ordres du jour ; certaines feuilles radicales s’en indignaient et criaient à la trahison ; en haut lieu, on gardait une sérénité confiante. On savait que des avocats et des hommes d’humble extraction, élevés souvent par le talent, mais parfois aussi par la chance, aux premiers postes de l’État, devaient manquer de prestige auprès des généraux ; on ne doutait pas pour cela de leur dévouement et de leur