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la nation armée.

l’une par l’autre ensuite. Il fallait combiner des éléments qui paraissaient irréconciliables : le vote annuel d’un lourd budget de guerre avec le relèvement de la richesse nationale ; un pouvoir militaire très puissant et très considéré, avec un pouvoir civil qui ne pouvait vivre que de force morale et n’avait pas eu le temps d’en acquérir ; la science et l’habileté professionnelles avec le nombre des unités ; un temps de service suffisamment long, et autant que possible, égal pour tous avec la sauvegarde des professions libérales ; une politique extérieure nécessairement pacifique et réfléchie avec les ambitions et les ardeurs qui naissent du contact permanent des armes ; des soldats qui, sortis des entrailles de la nation, allaient apporter avec eux, au régiment, l’idée républicaine avec des chefs dont beaucoup conservaient au fond de leurs cœurs des sympathies pour les régimes déchus et demeuraient imbus de l’esprit et des traditions des armées monarchiques.

Ce fut encore Gambetta qui dicta la conduite à tenir. Sa volonté de ne pas laisser la politique s’introduire dans l’armée se manifesta dès le début avec netteté. Quand il parlait de l’armée, — fût-ce à Belleville, ce 12 août 1881, où il fit preuve de tous les courages, — on sentait que, laissant sur le seuil ses calculs d’homme politique, ses passions d’homme de parti, il pénétrait comme en un temple où l’âme même de la patrie eût résidé ; son langage et sou geste exprimaient le respect et la foi. Le mot d’ordre fut obéi, parce qu’il était donné avec une autorité et uge élévation qui le plaçaient au-dessus de toute contestation. Il y eût des révoltes. Quand il voulut placer le général de Miribel à la tête de l’état-major général, Gam-