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la nation armée.

et des préjugés à l’endroit les uns des autres. Ils sont exclusifs, enclins à voir les choses par le petit côté ; parfois ces sentiments, qui ne devraient exister que dans les grades subalternes, — où l’on serait plus disposé à les trouver excusables, — se manifestent jusqu’au sommet de la hiérarchie et influent sur les actes du ministre lui-même. L’esprit de camaraderie prend ainsi une forme regrettable et nuisible. Quant au génie et à l’intendance, les officiers de « combat » les considèrent comme des corps d’ordre tout à fait inférieur, occupés à faire le service domestique de l’armée. Ils apprécient médiocrement les officiers de réserve. Ceux-ci demeurent à leurs yeux de vulgaires « pékins » que ne militariseront jamais le stage réglementaire ni les galons trop aisément conquis.

Une autre cause de discorde s’est introduite parmi eux : c’est la science elle-même. L’immensité de l’effort accompli par les peuples de l’Europe pour pouvoir mettre sur pied, le cas échéant, des masses d’hommes innombrables et puissamment armées, a eu pour conséquence la création de ce qu’on pourrait appeler l’industrie de la guerre. Tout a convergé vers un double but : accroître l’action des engins meurtriers, faciliter les mouvements des troupes ; augmenter la force des coups et la mobilité des combattants. La sphère d’intérêt de l’officier s’est donc étendue démesurément. Tout ce qui concerne les chemins de fer, les ballons, l’électricité, la chimie, la mécanique, est maintenant de son ressort. On peut compter les inventions scientifiques qui ne sont pas utilisables pour la préparation à la bataille ou pour la bataille elle-même. Elles s’amassent les unes sur les autres, reléguant la stratégie