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la nation armée.

service l’Allemagne nous a rendu en maintenant l’armée française dans un état permanent de mobilisation morale, pour ainsi dire, et en donnant de la sorte à la République le temps et les moyens de s’établir solidement. Sans l’armée, la République aurait été faible à l’extérieur, et, en France, un gouvernement qui est faible à l’extérieur n’a pas d’avenir. Avec l’armée, par contre, la République risquait d’être confisquée à l’intérieur, au profit d’un pouvoir dictatorial quelconque. Le sentiment du péril existant sur nos frontières a pu seul discipliner la nation.

C’est là, il est vrai, un service d’ordre négatif. Il ne pouvait entrer dans les desseins du vainqueur d’aider le vaincu à reconquérir son rang, et nous avons vu que, si M. de Bismarck s’était montré favorable à la République, c’est qu’il la croyait moins capable que la monarchie de procéder au relèvement de la France. Il se rendit compte trop tard de son erreur. Toutefois la militarisation de la France par l’Allemagne a eu deux autres conséquences, dont l’une a prêté à de nombreuses dissertations tandis que l’autre semble passer inaperçue. La première est l’augmentation demesurée des charges qui pèsent sur la nation du fait des armements obligatoires. L’Allemagne, il est vrai, en souffre comme la France, et plus qu’elle, sa richesse étant moins considérable et son crédit moins robuste. La seconde est l’accoutumance progressive du citoyen à l’organisation socialiste, et cette accoutumance se fait plus rapidement en France qu’en Allemagne, parce que l’armée française est plus démocratique et plus égalitaire que l’armée allemande. Quand il s’agit de socialisme, on semble ne concevoir jamais que la propagande par l’idée ; or la propagande par