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les idées et les mœurs.

plique pas aux grands mouvements réformateurs qui ont agité le monde, mais aux transformations lentes de la vie publique. Dans les temps de révolution, l’idée précède l’acte, bien que souvent l’acte dépasse l’idée ; mais dans les temps d’évolution il arrive que la théorie ne s’énonce et parfois même ne se forme qu’après la pratique et d’après elle. De là des contradictions — faites pour égarer l’historien — entre l’état social et les productions artistiques ou littéraires d’une nation. Ces contradictions s’augmentent encore quand il s’agit de la nation française. Plus qu’aucune autre elle a été soumise, au cours du présent siècle, à d’incessantes agitations, à de brusques changements. Son avènemnent à la civilisation moderne a été pénible et troublé ; sa recherche de l’équilibre a été compromise par les efforts mêmes tentés pour l’obtenir ; sa marche vers la science a été entravée, sa conception de La loi morale faussée par les hommes et les circonstances. Il lui est arrivé de perdre de vue le but à atteindre et de ne plus savoir s’il en existait un quelque part. Logiquement, rien n’aurait dû rester debout, après tant de secousses, de ce qui fait la véritable force d’une collectivité, à savoir l’accord sur certains principes généraux de conscience et de jugement.

L’étranger qui étudie la France contemporaine est induit à penser que cet accord n’existe plus. Sa raison le lui suggère ; les documents qu’il consulte le lui confirment. L’histoire, la littérature et la statistique s’unissent, à ses yeux, pour condamner le citoyen français : il le juge ingouvernable et débauché, impuissant à faire progresser la race et à rien organiser de définitif. La prospérité nationale, se