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les idées et les mœurs.

et à sa suite, « tâchent de guérir l’infirmité morale au lieu d’en triompher bruyamment[1] » ; et, enfin, il y a les apôtres d’une idée, d’une doctrine, Lavisse, Desjardins, Wagner…, qui entrevoient quelque bien et veulent le réaliser. À mesure que l’inspiration s’élève, la langue s’épure. Là encore, l’action de Renan s’exerce puissamment. « Un grand écrivain laisse après lui quelque chose de plus durable que ses écrits mêmes, a dit M. Gaston Boissier en parlant de Renan ; c’est la langue dont il s’est servi, qu’il a assouplie et façonnée à son usage et qui, même maniée par d’autres mains, garde toujours quelque chose du pli qu’il lui a donné. » Ces qualités du langage, auxquelles les Français sont tellement sensibles, apportent une force de plus au néo-idéalisme en arrêtant sur les lèvres de bien des lecteurs la vieille raillerie de Voltaire, toujours prête à s’échapper.

Mais, malgré tout, la littérature malsaine ne meurt pas. Elle n’est pas écrasée. Elle puise sa force dans l’habitude, cette seconde nature. Au lieu de descendre d’en haut, elle monte maintenant d’en bas où le cercle de ses fidèles s’est démesurément accru. L’idée pornographique maintient partout ses droits. Dans le journal, la politique et le commerce se restreignent pour lui faire une place, et les romanciers les plus célèbres se croient obligés de lui sacrifier pour avoir le droit de dire ensuite des choses honnêtes et sérieuses. Notez qu’elle n’a plus rien de cette gauloiserie chère à nos ancêtres et qui était l’expression de leur joie de vivre et de la franchise de leurs sensations. Elle n’est ni

  1. Gaston Deschamps, Chronique du journal le Temps.