drôle ni franche ! Autrefois, d’ailleurs, il y avait plusieurs sources de gaieté ; aujourd’hui il n’y a plus que celle-là. Aussi le rire a-t-il quelque chose de nerveux, d’apprêté ; il lasse et souvent écœure. Dans l’image et dans la chanson, l’obscénité déborde. La loi a dû intervenir[1], mais l’initiative privée ne la seconde pas. On approuve la « ligue contre la licence des rues » ; on n’y adhère pas, de crainte du ridicule. Les agglomérations d’adolescents et de jeunes gens sont forcément les plus atteintes. Dans les collèges, le mal que dénonçait, il y a vingt ans, M. Sainte-Claire Deville ne s’est pas guéri tout seul et on n’y a pas remédié. Comment y remédier, au reste ? Des réformes scolaires ne suffiraient pas. L’air du dehors pénètre dans le collège, et cet air est vicié. L’adolescent connaît le genre d’existence de son aîné ; il en jouit par avance. Elle s’impose à lui avec le double attrait de ce qui est défendu et qu’on sait à portée. Devenu libre, il se grise avec les autres et en conserve ensuite une tache à son front et comme un poids sur sa vie. Longtemps après qu’il a renoncé aux plaisirs mauvais, la pensée mauvaise demeure en lui. Il est rentré dans le droit chemin, mais il regrette la voie tortueuse. Le devoir l’a repris, mais le souvenir du dérèglement le charme.
Car c’est un fait ; il renonce aux plaisirs mauvais ; il rentre dans le droit chemin ; le devoir le reprend. Sa vie s’éclaircit et se régularise. Qui fait ce miracle ? La France.
- ↑ En 1882, en présence de la grande abondance des publications obscènes et des livres pornographiques, la Chambre vota une loi dérogeant aux dispositions générales de la loi sur la presse, pour permettre de poursuivre plus rapidement et plus efficacement les publications obscènes. (Voir un article de M. J. Darmesteter, dans la Revue bleue du 2 mars 1889, sur la littérature vile qui déshonore la France.)