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la question sociale.

« Il y a dans sa pratique, écrit avec exaltation Édouard Rod[1], un aveu d’injustice qu’un esprit droit ne saurait accepter ; corriger l’iniquité du sort en abandonnant la plus faible part de son superflu, n’est-ce pas une criminelle hypocrisie ? Nous avons des devoirs, ou nous n’en avons pas ; si nous n’en avons pas, buvons, mangeons, jouissons, les yeux fermés aux misères dont le spectacle nous gâterait nos joies, sûrement retranchés dans une forteresse d’égoïsme. Si nous en avons, ne croyons pas les remplir par un sacrifice parliel de nous-mêmes, ne trompons pas notre conscience par des demi-concessions. C’est tout entier qu’il faut nous donner, nous, nos plaisirs, nos cœurs et nos biens… Donne tout aux pauvres et suis-moi. On ne peut qu’obéir ou désobéir à la rigoureuse parole : si l’on ne fait pas tout, on n’a rien fait. » Même comprise de cette façon sublime et pratiquée aussi étroitement, la charité ne résoudrait rien. Ce qu’il faudrait, c’est trouver la « formule qui pourrait se substituer aux injustices anciennes sans s’appuyer sur des injustices nouvelles[2] », et, l’ayant trouvée, l’appliquer d’un accord commun. Ce qu’il faudrait, c’est une deuxième nuit du 4 août, moins tardive et plus précise. Or, la classe aisée ne sait pas encore s’il faut « unir les résistances ou raisonner des concessions[3] ».

L’heure de le savoir va sonner. La génération nouvelle s’en rend compte ; elle pressent dans sa marche l’approche d’un sommet : de là elle entreverra les vastes territoires

  1. Éd. Rod, Le Sens de la vie.
  2. F. Magnard (le Figaro du 20 mars 1893).
  3. Id., ibid.