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Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/49

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les premières années

un barbarisme expressif de M. Jules Grévy[1], on « incidentait » constamment. C’était, en séance, un croisement perpétuel d’interpellations, une agitation stérile, un « bruit assourdissant ». Le caractère de M. Thiers s’aigrissait d’autant plus dans cette atmosphère desséchante, qu’il avait conscience d’être en parfait accord avec le pays dans les efforts qu’il faisait pour écarter les questions politiques et mettre à l’ordre du jour les questions d’affaires. Et toujours il trouvait devant lui la coalition des monarchistes et des radicaux, inquiets, avant tout, de ne pas laisser se faire l’apaisement et de maintenir l’opinion dans un état d’incertitude, d’inquiétude favorable aux espérances des partis[2]. Le chef de l’État ne songeait qu’à accréditer son gouvernement par la sagesse et la modération, tant auprès de la France qu’auprès des nations étrangères, et s’irritait que son programme simple et patriotique ne ralliât pas les suffrages, et qu’on pût songer à son parti avant de songer à sa patrie.

Certes, il avait grandement raison ; mais les hommes ne se laissent pas toujours conduire par les mobiles les plus élevés, ni par les règles de la plus pure logique. Il y avait certainement dans l’Assemblée, — l’avenir le prouva, — les éléments d’une majorité modérée. M. Thiers ne prit pas assez à cœur de la grouper et de la rendre viable. Il avait formé son ministère d’une manière peu conforme aux coutumes parlementaires et incarnait une république très spéciale, celle qui a pour pierre angulaire un homme

  1. M. Grévy était alors président de l’Assemblée.
  2. « L’Assemblée, a écrit depuis Jules Ferry, était une grande école de réticences. Rien ne s’y faisait que par les détours. » (Correspondance de Jules Ferry. — Lettre en date du 17 novembre 1877.)