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mémoires olympiques

tion du stade et de ses tournants. On en connaît le caractère insoluble. Les tournants sont trop courts pour les vitesses actuelles et les coureurs sont handicapés et risquent même de se blesser. La conception moderne, qui est de faciliter sous les pas de l’athlète la conquête de records toujours plus étonnants en aidant matériellement son effort, est exactement l’inverse de la conception antique qui visait à rendre cet effort plus méritoire en l’entourant d’obstacles à vaincre. Ainsi la piste de sable mouvant et la piste élastique cendrée représentent les deux extrêmes de l’idée sportive. Insoluble, le problème ?… Je me trompe. Quelques modernistes outranciers avaient trouvé une solution. Elle consistait à combler un tiers du stade en sacrifiant deux rangs de gradins de façon à agrandir la surface aménageable. Mutiler de la sorte le stade de Périclès !… Était-ce un « barbare » qui avait conçu le premier cette invention sacrilège ? Les étudiants du nord, élevés dans le culte du classique et de l’histoire, s’insurgeaient intérieurement contre cet utilitarisme déjà répudié, il est vrai, par l’opinion du peuple hellène. À un moment, je vis l’un d’eux lever les yeux vers la divine Acropole encore lumineuse et ensoleillée, tandis que l’ombre s’étendait autour de nous. Le Stade se vidait. La blancheur marbrée en reprenait possession. L’étudiant heureux de vivre, le corps tout plein de cette volupté de la fatigue sportive qui verse à l’être jeune l’espérance et l’ambition, semblait, dans son regard devenu fixe, implorer Minerve et lui rendre hommage. Il était comme la représentation sculpturale du néo-olympisme, comme le symbole des victoires prochaines qui attendent l’Hellénisme toujours vivace et toujours adapté aux circonstances humaines.