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où va l’europe ?

événements récents. Or voici deux conclusions à prendre en considération : la guerre, vue de loin, a accusé de médiocres méthodes psychiques et techniques, puisque tout a tourné au rebours des prévisions. D’autre part, elle a obligé le privilégié, le dirigeant, le maître à composer pour sa propre sauvegarde avec l’inférieur jusqu’ici dédaigné. Notons ce dernier point, nous le retrouverons plus tard.

Que dire de la paix ? Sur place, on l’a très vite jugée boiteuse, on a soupçonné de vilains marchandages, on n’a pas compris surtout que la Belgique et la Serbie ne fussent pas au premier rang des négociateurs… De loin, le spectacle était différent. Le triumvirat composé d’un chef d’État et de deux premiers ministres, renommés tous trois, l’emportait en prestige sur tout aréopage diplomatique. La France parut payée par la reprise de l’Alsace-Lorraine, l’Angleterre par l’agrandissement de ses possessions africaines, l’Italie par ses annexions adriatiques. La Pologne, la Finlande, la Bohème rendues libres, les populations danoises, serbes, grecques émancipées du joug étranger et restituées à leurs mères patries, tout cela complété bientôt par l’émancipation de l’Irlande et de l’Égypte, l’Allemagne enfin, privée de ses instruments d’agression, sa flotte cédée à l’Angleterre et son armée licenciée, que fallait-il de plus ? N’étaient-ce pas là des résultats ? Et l’Amérique, l’Asie, l’Afrique, dont les troupes retournaient chez elles sans y rien rapporter que des remerciements, pas toujours suffisants, commencèrent de s’indigner contre l’Europe. Bien surfaite, décidément, cette Europe ! Elle s’était mise dans un mauvais cas et n’avait pas su s’en tirer. Il avait fallu, de partout, lui venir en aide, et maintenant qu’on lui avait procuré tout ce qu’elle désirait, elle trouvait encore moyen de se plaindre !

Ne nous indignons pas. Tâchons de comprendre et surtout de tenir compte de nos dimensions… vues de là-bas.


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les américains pour l’amérique

Ce qu’on pourrait appeler l’« insularisme » américain ne date pas d’hier. Washington par son célèbre testament, Monroë par sa retentissante « doctrine »,