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où va l’europe ?

la première y sont clairement inscrites. Liverpool, Brest ou Lisbonne se trouvent autrement rapprochés de New-York que Rio ou Buenos-Aires. Mais que l’isthme de Panama soit percé et les raisons politiques et historiques sur lesquelles s’appuie la seconde se trouvent renforcées par des possibilités nouvelles. Le Panaméricanisme y puise une grande force. Et, en effet, le voici qui se ranime. Il n’était jamais mort. James Blaine lui avait, en 1889, insufflé une énergie féconde. Depuis, le canal a été ouvert à la circulation. La guerre de 1898, la période d’Algésiras, l’ère d’hostilité contre le Japon avaient détourné l’attention, mais tout cela a passé ou s’est atténué. Et, finalement, si le plan « transversal » cause des déboires, coûte cher, rapporte peu, pourquoi ne retournerait-on pas à ce plan « longitudinal » dont il semble que Washington, s’il vivait encore, conseillerait l’adoption de préférence à l’autre ? Le Panaméricanisme n’est-il pas la vraie mission des États-Unis ?

Comment réagiront les États Sud-Américains ? Toute la question est là. Il n’est pas dit du tout qu’ils se croient humiliés ou lésés par la perspective d’une sorte de présidence du Nouveau Monde, dévolue à l’oncle Sam. Cet arrangement ne serait point sans avantages pour eux. S’ils s’en laissent persuader, l’entente pan-américaine se scellera, et ce sera une de ces ententes indéfinissables dans lesquelles les intérêts et les pensées, la culture et la finance s’associent pour tisser des liens souples et résistants.


vi

le triomphe de l’asiatisme

Il fut un temps où le « péril jaune » nous alarmait. C’était le croquemitaine. Car les peuples, comme les enfants, ont besoin de jouer parfois au croquemitaine. Maintenant que le péril jaune existe réellement, on n’en parle plus. Entendons-nous toutefois : ce n’est pas du même péril qu’il s’agit. Celui d’hier se présentait sous la forme d’une invasion rappelant les nuées de sauterelles. Il était numérique. On additionnait les peuples jaunes, on les voyait se jetant sur l’Europe. On se sentait déjà mangés par leur activité. Or, les jaunes ne sont pas des sauterelles. Ce sont des êtres