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où va l’europe ?

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coopération architecturale

Depuis assez longtemps, l’opinion évolue vers l’acceptation du principe des réformes sociales. Elle a suivi, pour s’y acheminer, une double route : l’une directe mais lente, celle de la conscience — l’autre indirecte et plus rapide, celle de la crainte. Que l’inégalité soit une loi de nature, personne n’y saurait raisonnablement contredire, mais est-il légitime que les rouages publics — civils et même religieux — soient montés de façon à travailler dans le sens du maintien, voire du renforcement des privilèges ? Voilà la question dont peu à peu la conscience moderne s’est alarmée. Ce qui calmait ses inquiétudes à cet égard, c’était la notion de l’impossibilité d’une modification efficace de l’état de choses existant. Pour substituer, en effet, avec quelque chance de succès un régime à tendances égalitaires au régime individualiste inégalitaire sous lequel les statistiques accusaient une courbe ascendante de richesse, il eût fallu que ladite substitution coïncidât avec une augmentation de la production ou, tout au moins, qu’elle n’entraînât point de diminution de rendement. Or il se pouvait qu’à la longue, et une fois apaisées les secousses inséparables d’une pareille révolution dans les mœurs et les habitudes, le niveau se rétablît ; mais une crise fatale devait être traversée par le pays assez hardi pour tenter l’aventure ; et pendant cette crise, la situation économique de ce pays devait être en état d’infériorité par rapport à celle des pays voisins et rivaux. Comment admettre d’autre part l’éventualité d’une conversion simultanée des différents pays ?… Or c’est cette simultanéité, précisément, que la guerre a rendue possible. Car aucun gouvernement n’est aujourd’hui entièrement libre de ses actes. Des « internationales » se sont forgées qui les ligoteront de plus en plus fortement. Ces « internationales » sont violemment opposées les unes aux autres, car elles reposent d’aplomb sur le principe de la lutte des classes. Leurs dirigeants sont presque tous des « sans-patrie » au sens réel du mot, et les ploutocrates encore plus que les prolétaires, tant ils se montrent incapables de subordonner