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où va l’europe ?

progrès matériels tels que la photographie en couleurs, le cinéma, la télégraphie sans fil, etc… : progrès qui facilitent et embellissent la vie et, comme tels, méritent qu’on les apprécie hautement et qu’on témoigne de la gratitude à leurs inventeurs mais qui ne constituent quand même que les accessoires de l’humanité dans sa marche en avant. Une pédagogie digne de ce nom se reconnaît à ce qu’elle répand de la clarté sur les ensembles, chasse les préjugés, unit les cœurs. Jadis, en Europe, les éducateurs tendaient à cela, mais ils ne se sont pas avisés à temps que, les circonstances ayant changé, il leur eût fallu changer aussi leurs méthodes.

Par exemple, au point de vue international, l’adolescent était tenu au centre d’une série de cercles concentriques sur lesquels on projetait de moins en moins de lumière à mesure qu’ils s’éloignaient de lui. Très renseigné sur ce qui le touchait de près, il ne l’était point sur le reste. Proche de lui la brume commençait, allant s’épaississant jusqu’à devenir compacte sur l’horizon. Or, le temps est venu, temps de démocratie cosmopolite, où non seulement les contacts internationaux se sont faits quotidiens et multiples, mais où, en raison des intérêts enchevêtrés, il s’est trouvé que la meilleure façon de servir son pays allait être désormais de bien connaître les autres pays. À partir de ce moment, les procédés pédagogiques en usage, — procédés de clocher, pourrait-on les appeler — sont devenus les plus grands pourvoyeurs de malentendus internationaux, parce qu’ils faussaient toutes les proportions et de chaque question en réalité prismatique faisaient une surface d’apparence plane.

Au dedans des frontières, les malentendus aussi naquirent, parce que le procédé synthétique, facile à appliquer au développement du cerveau quand les éléments de la synthèse étaient peu nombreux, ne pouvait plus fonctionner avec des éléments chaque jour plus nombreux. Alors on a dû se lancer dans le maquis des « bifurcations » qui ne sont que du spécialisme prématuré et, par là, frappé d’impuissance. On a distingué la formation scientifique de la formation littéraire ; et parmi les Sciences, les « naturelles » des « mathématiques », et parmi les Lettres, les Modernes des Anciennes. Ainsi on a fabriqué des intelligences parcellaires prenant chacune leur parcelle pour la