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la question nègre

bon marché des esclaves d’Afrique, ont donné naissance au problème nègre, mais ce sont eux encore qui, pour satisfaire leurs appétits sensuels en même temps que leurs instincts de trafiquants, ont produit le problème mulâtre, celui des deux dont l’existence semble les irriter le plus aujourd’hui. N’y a-t-il pas là une singulière revanche du sort, une espèce de choc en retour de l’éternelle justice ?

Le mal est réel ; est-il inguérissable ? Tous ceux qui l’ont étudié conviennent que trois remèdes seraient seuls applicables en pareil cas : il faut, de toute nécessité, ou se débarrasser des nègres, ou les absorber, ou les tolérer. L’élimination, on l’a cherchée. Dans ce but fut fondée la petite république de Libéria ; ses organisateurs se flattaient de l’espoir qu’on pouvait éveiller au fond des âmes nègres le regret de la terre africaine et, la tentation d’une écharpe municipale ou d’un casque de pompier aidant, provoquer un exode volontaire des esclaves libérés vers leur ancienne patrie. La déception fut complète, mais aussi combien naïve était l’illusion ! Même si, au lieu de sables équatoriaux, on leur avait offert un verdoyant éden, les grands enfants noirs ne se seraient pas laissé emmener. Leur patrie, c’est désormais ce Sud ensoleillé où l’air est doux et la vie facile ; nulle persuasion ne les en tirera ; ôtez-les de force, ils reviendront.

L’absorption ? Mais c’est là une mesure qui ne se décrète pas ; elle réclame avant tout le libre consentement des intéressés. Et puis, quand même la loi oserait intervenir et encourager la fusion en lui assurant des avantages, fiscaux ou autres, sommes-nous assez éclairés sur les conséquences des croisements humains pour escompter un résultat précis ? Malgré les progrès réels accomplis par la moins avancée des deux races en présence, leur inégalité demeure choquante. Qui donc se permettrait d’affirmer que, si elles fusionnaient, ce seraient les qualités de la race supérieure