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donner sans retenir

contre ceux qui, n’apercevant plus les énormes progrès déjà réalisés par notre sœur latine et le bel avenir qu’elle s’est assuré, malmenaient les promoteurs du rapprochement. Ce rapprochement était sage parce que mesuré. Pour ramener à nous l’Italie, nous lui reconnaissions en Tripolitaine une liberté d’action dont elle ne sera pas longue à se prévaloir ; c’était bien payé et logiquement compris. Quand vinrent les échanges de visites, la parité cessa d’exister : en allant à Rome et en courant le risque de n’y point voir le pape, le président Loubet donnait à l’Italie un gage de sympathie autrement éclatant que ne pouvaient le faire, à l’égard de la France, le roi Victor-Emmanuel et la reine Hélène en venant à Paris. Si le chef de l’État français n’a pu pénétrer au Vatican et si aucune précaution n’a pu être prise pour pallier vis-à-vis de Pie x le caractère offensant de sa présence à Rome, tout le monde sait maintenant que M. Combes en est seul responsable. Mais, parmi ceux qui ont de ses talents d’homme d’État la moins médiocre opinion, nul ne s’attendait qu’il allât plus loin et qu’il rendît gratuitement à l’Italie le service de proclamer la reconnaissance solennelle d’un état de choses sur lequel aucune puissance n’avait consenti à se prononcer jusqu’alors. On conçoit les applaudissements par lesquels furent accueillies à Montecitorio les paroles du premier ministre italien constatant cette nouveauté et en prenant acte. Les conséquences d’un tel événement seront immenses ; l’incident de Bologne, si étrangement significatif, le laisse entrevoir. Ce n’est pas le moment d’examiner ici si le rapprochement du Vatican et du Quirinal a chance de tourner au bien de l’Église ; mais qui n’aperçoit tout ce qu’en peut tirer l’Italie ? Son bénéfice sera pris sur nous et, pour le lui avoir procuré à notre détriment, nous ne recevrons pas la plus légère compensation.

Voilà ce qu’on gagne à « donner sans retenir ».