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donner sans retenir

Ce sera un des principaux titres de gloire de la troisième République de n’avoir, pendant les trente-deux ans qui suivirent, rien donné sans retenir. Le régime auquel elle succédait avait, au rebours de ce que pensait M. Senard, beaucoup trop donné et beaucoup trop peu retenu. L’expérience acquise, du moins, ne fut pas perdue. La France connut l’imprudence d’escompter en monnaie morale le prix d’un concours matériel ; elle sut ce que vaut cette monnaie-là. Depuis lors, nos gouvernants s’efforcèrent à ne jamais laisser passer l’occasion d’un compromis avantageux. Du congrès de Berlin ils rapportèrent la Tunisie ; ils s’avisèrent fort à propos qu’en disposant du sultanat de Zanzibar, l’Angleterre et l’Allemagne lésaient des droits antérieurs dont l’existence discutable paraissait oubliée par la France elle-même : ils réclamèrent des compensations et la fameuse convention du 5 août 1890 posa les bases de notre nouvel empire africain. Quatre ans plus tard, c’était l’État libre du Congo qui, ayant accordé à l’Angleterre un traitement de faveur, se voyait forcé de concéder à la France des garanties parallèles… En tout ceci, les partis politiques peuvent se reprocher les uns aux autres un mauvais équilibre des plateaux de la balance ; l’essentiel était qu’on se servît de ladite balance.

Il appartenait à M. Émile Combes de mettre de côté cet instrument vulgaire. Louis XV s’estimait de faire la guerre en roi ; M. Combes prétend faire la paix en philosophe ; les deux méthodes se valent quant au résultat, sinon quant à l’honneur, — elles consistent à sacrifier l’intérêt du pays à la beauté d’un principe.

Gardons-nous de ne pas apprécier à sa juste valeur l’amitié de l’Italie ; ici même, je me souviens d’avoir plaidé