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l’homme des nouvelles-hébrides

France avait tout uniment annexé les Nouvelles-Hébrides, nulle protestation ne se fût élevée ni à Londres ni à Sydney. Mais aux pétitionnaires onques n’avait répondu. Les années passaient. Comme, en fin de compte, le mot de sir Charles Dilke — « là où sont les intérêts, là doit être la domination » — a pratiquement la valeur d’un axiome mondial, John Higginson résolut d’organiser, aux Hébrides, la colonisation française… à lui tout seul.

Il n’était que temps. Le gouverneur des îles Fidji venait de se faire attribuer par le cabinet de Londres la surveillance des colons anglais aux Nouvelles-Hébrides et il leur avait prescrit d’avoir à faire enregistrer, pour qu’ils fussent valables, leurs titres de propriété. En quelques jours, Higginson fonda la « Société calédonienne des Nouvelles-Hébrides ». En quelques mois, ladite Société eut acquis 300 000 hectares de terres dans l’archipel, mis la main sur les meilleurs ports, racheté les établissements existants, pris à son compte les agents étrangers, construit un magasin, entrepris des routes et amorcé d’importantes relations commerciales. Ainsi furent conquises l’île Vaté et ses voisines.

Ce coup de maître, Higginson eut à le recommencer deux ans plus tard et son succès fut égal. Il s’agissait cette fois de l’île Mallicolo, une des plus étendues de l’archipel. La nouvelle était parvenue à Nouméa de la prochaine formation d’une compagnie anglo-australienne d’exploitation à laquelle le Parlement de Wellington se proposait d’octroyer de puissantes garanties. En présence d’un projet si menaçant et dans l’impossibilité d’obtenir une prompte intervention de la métropole, Higginson affréta à la hâte un vapeur, la Néoblie, sur lequel il s’embarqua discrètement avec un groupe de ses amis. Le navire cingla sur l’île Vaté, y chargea des produits des établissements français et prit à la remorque un vieux ponton — jadis navire de guerre, le Chevert — qui servait de magasin flottant. Par une mer démontée et après de terribles péripéties, la Néoblie et son épave arrivèrent la nuit en face de