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ni rome ni carthage ?

de pouvoir. On a trop médit de Carthage. Les jalousies haineuses qu’elle inspira à sa rivale la poursuivirent jusque dans le tombeau et ce que l’archéologie nous en a rendu compose une figure si imprécise et si estompée que nous devinons plutôt que nous ne saisissons le charme subtil émané d’elle. Mais si son raffinement nous demeure trop lointain nous sommes sûrs d’une chose, c’est que Carthage inventa la nationalisation du commerce et qu’elle en fit un prodigieux levier de grandeur.

Rome ou Carthage ? L’Allemagne nouvelle avait le choix entre les deux modèles. Ne possédant ni les privilèges géographiques de l’Angleterre ni les titres traditionnels de la France, elle ne pouvait prétendre à présider la pensée universelle non plus qu’à créer à son profit un insularisme social. Par contre, comme jadis Rome, elle était entourée de peuples que la force de ses armes ou l’évolution des circonstances condamnaient à vivre d’elle et par elle. À ces peuples faibles ou momentanément désorganisés, elle pouvait procurer le bien précieux entre tous, la Paix, — la Paix qui n’est pas seulement le silence des canons mais aussi le repos des esprits, — la Paix qui suppose, avec l’ordre fortement maintenu, la tolérance résolument appliquée.

Elle pouvait d’autre part, utilisant les ressources que la victoire d’abord, les hasards favorables ensuite accumulaient entre ses mains, se proposer d’étendre de tous côtés le réseau triomphant de ses entreprises économiques, d’organiser des transports géants, de susciter des initiatives lointaines, de détourner à soi les nouveaux Pactoles. Ces besognes ne sont point associables. Le même architecte n’édifie pas de sublimes portiques et des comptoirs opulents — et l’éducation qui peuple les premiers ne remplit pas les seconds.

La meilleure preuve que s’offraient de telles missions,