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la louisiane française

transatlantique ; le mot a été dit là-bas et il n’est point exagéré ; à deux des trois principaux tournants de son histoire, le peuple américain a donc rencontré le concours efficace de la France.

En toute justice, on doit reconnaître pourtant que l’abandon de la Louisiane n’a pas été consenti sans regrets : la signature qui en décida était celle d’un homme qui n’avait point coutume de rien céder à personne ; cet homme ne s’appelait encore que Bonaparte. Et voilà une seconde actualité. Car si, de tout temps, la mémoire de l’empereur Napoléon est demeurée populaire des bords de l’Escaut aux rives du Var et de la Bidassoa, bien autre est aujourd’hui la popularité dont jouit, parmi nous, le premier consul. Or, le premier consul ne visait à rien moins qu’à recommencer le long du Mississippi l’expédition d’Égypte, avec les avantages que lui assuraient cette fois son pouvoir solidement établi et son prestige indiscuté. Les troupes qui, sous le commandement de Victor, devaient occuper la Louisiane (tacitement sinon secrètement rétrocédée depuis peu par l’Espagne à la France) n’attendaient plus que l’ordre d’embarquement et le nouveau gouverneur était déjà en route lorsque la rupture de la paix d’Amiens vint modifier de fond en comble les plans de Bonaparte. On peut dire qu’en trois jours l’acte de vente fut rédigé et signé : la province lointaine échappait à la mère patrie mais du moins elle ne passerait point à l’ennemi ; elle formerait une des assises de cette grandeur américaine en laquelle nos pères se plaisaient à voir la rivale nécessaire et permanente de la grandeur britannique.

J’ai mentionné une troisième actualité ; c’est la moins flatteuse pour notre amour-propre national ; c’est aussi la plus imprévue. Le croiriez-vous ? les propos antimilitaristes que nous sommes accoutumés d’entendre retentir à nos oreilles infortunées, l’an de grâce 1903, ne sont qu’un écho affaibli des aménités prodiguées par les gens du Parlement royal aux officiers d’il y a cent cinquante ans. Sous ce rapport, l’interminable procès intenté à Kerlerec