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la louisiane française

rappelle à s’y méprendre certain procès plus récent… et plus célèbre aussi. M. de Villiers du Terrage n’a pas eu besoin de souligner les analogies ; il les laisse discrètement s’imposer au lecteur.

Affligeante, somme toute, cette histoire louisianaise prise dans son ensemble, depuis La Salle et d’Iberville jusqu’à ce malheureux Aubry dont les notables de l’endroit firent un révolutionnaire malgré lui et qui ne savait plus, en fin de compte, s’il gouvernait au nom du roi de France ou bien au nom du roi d’Espagne. Affligeante et consolante en même temps, car elle distingue clairement ce qui nous a fait défaut de ce dont nous n’avons jamais manqué. Aux coupables indifférences, aux vilaines intrigues, aux routines invétérées de la métropole, elle oppose en un saisissant contraste des figures courageuses et persévérantes de marins, de fonctionnaires et de colons. Nous avons eu les hommes ; seule, la volonté gouvernementale était absente. Et notez que ces deux éléments de toute politique coloniale sont d’importance inégale : au souverain ou à l’opinion de fixer une ligne de conduite et de s’y tenir ; mais les hommes, si la nation ne les possède point, comment les fabriquer ? Cinquante années d’une pédagogie énergique et opiniâtre y suffiraient à peine. Les Français dévoués à l’œuvre exotique n’ont pas dégénéré ; ils sont plus nombreux, plus actifs, plus entreprenants encore que leurs pères ; et, par ailleurs, que d’améliorations dans les méthodes, que de progrès dans l’administration ! Malgré tout ce qu’il reste encore à accomplir de réformes nécessaires, le contraste est énorme entre le présent et le passé. Voilà pourquoi, si les annales de la Louisiane contiennent des pages douloureuses, elles ne sont pas, du moins, pour décourager l’effort colonial — et il n’est pas mauvais qu’elles nous soient contées.

Rien que pour l’avoir écrit, ce mot de Louisiane qui semble tissé de lianes ensoleillées, mille croquis s’évoquent