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ix

D’ANDRÉSY À HENLEY



Il me faut revenir un peu en arrière afin d’expliquer de façon compréhensive la « crise du rowing ». Les trois sociétés d’aviron dissidentes qui étaient venues à l’Union des Sports athlétiques vers la fin de l’année 1891 n’avaient point agi sans arrière-pensée ; elles voulaient s’ouvrir l’accès des régates anglaises. C’était fort difficile. On sait combien nos voisins sont jaloux de maintenir leur insularisme nautique. Ce n’est pas seulement pour eux une question d’amateurisme ; c’est encore plus une question sociale ; leurs rowingmen sont des aristocrates dans tous les sens du mot. M. Lepère et ses amis jugeaient que l’Union des Sports athlétiques avait plus de chances de faire admettre ses rameurs sur la Tamise qu’aucun autre groupement français ; encore qu’ils eussent été fort discrets à cet égard, ne voulant pas avoir l’air de faire un marché, nous sentions très bien que nos nouveaux adhérents attendaient de nous l’entrée dans cette Bastille d’outre-Manche vers laquelle depuis longtemps se tournaient leurs légitimes ambitions.

La France était alors représentée à Londres par un ambassadeur dont la carrière politique et académique avait, certes, été bien remplie. Membre de l’Institut, ancien ministre de l’instruction publique et des Affaires Étrangères, sénateur, représentant de la République au Congrès de Berlin et au couronnement d’Alexandre III, M. Waddington se trouvait, de plus, avoir ramé jadis dans l’équipe annuelle de l’Université de Cambridge où il était venu terminer ses études. Et, aux yeux de bien des Anglais, c’était là un honneur qui ne le cédait guère aux autres. Je connaissais depuis longtemps M. Waddington qui m’accueillait fort amicalement lorsque je venais à Londres ; de plus, un des secrétaires de l’ambassade, M. de la Chaussée, était mon ami intime. Je suggérai donc à l’ambassadeur de prendre en mains la cause des rameurs français et d’autoriser M. de la Chaussée à entamer sous ses auspices des négociations efficaces avec l’Amateur Rowing Association.