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LES ASSISES DE LA CITÉ PROCHAINE


que j’appelerai les haines sédimentaires dont nul n’est maître de supprimer le dépôt ni même d’en apprécier l’épaisseur.

Pour en revenir à ce principe d’intermittence, notre civilisation ne cesse de multiplier les fondations nouvelles : instituts, académies, écoles, offices, bureaux… Il en résulte la construction ou l’aménagement d’édifices pour les abriter et la désignation de fonctionnaires pour les administrer. S’il y en a de contestables quant à leur opportunité, admettons que la plupart sont issues d’un louable dessein où répondent à quelque besoin. Mais toutes jusqu’ici sont établies sur le principe de la permanence : permanences ruineuses. Pour les créer, il se rencontre encore quelques Mécènes dont la générosité ira en s’amincissant. Mais pour entretenir ou restaurer leurs façades, pour maintenir le personnel nécessaire, pour solder les surplus imprévus… qui paiera et avec quoi ?

Or, disais-je dans le Rapport général sur les travaux de l’Union Pédagogique Universelle : « Que l’on cesse d’enraciner au sol les dites institutions, qu’on leur donne une organisation intermittente et comme un vague relent de campement, les voilà non seulement allégées d’entraves, déchargées de maints soucis mais encore accommodées au goût du jour. Ce goût du jour n’est point issu d’un caprice, mais d’un instinct. La vitesse règne. L’existence est rendue trépidante aussi bien par la coopération incessante de la mécanique que par le recours continuel à la tension de l’organisme humain. L’homme se trouve par là soumis la tyrannie des courants à haute fréquence dans presque tous les domaines. Car de tels courants ne sont supportables que s’ils s’interrompent et efficaces que s’ils se répètent. De là la diffusion de l’idée de « session » qui, directement ou sous des déguisements, s’infiltre de tous côtés. La session périodique contient de la sorte en germe la solution de quantité de difficultés présentes. »

La doctrine de l’intermittence, Messieurs, est d’une application relativement aisée mais non pas par l’État, personnage trop ventru et assis trop loin. Le municipalisme est bien mieux à même de se servir d’un tel outil ; il possède pour cela une souplesse autrement grande.

Ainsi notre modernisme même, les inventions géniales dont nous sommes justement fiers, le bien-être général qu’elles ont engendré, la situation économique à laquelle nous sommes arrivés, tout — bien ou mal — concourt à nous orienter vers un retour à la prépondérance municipale. Et sans doute faudra-t-il revenir en même temps à cette notion greco-romaine du citoyen reconnu apte à des fonctions variables, transitoires, parfois conjointes d’après son mérite ou les circonstances… tout le contraire du mandarinat auquel peu à peu nous nous inclinions ; manquement aussi au culte dont était l’objet l’idole du jour, le spécialisme… Tout mouvement, toute force, a dit une fois Ferrero, rencontre dans l’excès sa propre limite et s’y épuise…


ii


Lorsqu’on prétend innover, il faut prêcher d’exemple. C’est ce que nous avons fait, quelques amis et moi, en créant le 15 novembre 1925 l’Union Pédagogique Universelle laquelle, ayant achevé sa besogne en cinq ans, s’est dissoute à la fin de 1930 laissant simplement subsister une Commission technique de propagande chargée de diffuser ses principes et ses méthodes.

L’œuvre de l’U.P.U. s’est déroulée sur un double plan. Reprenant les travaux de l’Association pour la Réforme de l’Enseignement fondée en 1906 et que les approches de la guerre avaient interrompus, elle les a poursuivis en modifiant d’après les circonstances nouvelles leur courbe générale. Elle a ainsi établi des programmes d’enseignement d’un aspect entièrement inédit pour les ordres secondaire et post scolaire, laissant de côté, pour des motifs qu’il serait trop long d’exposer ici, l’ordre primaire et l’ordre supérieur. En outre, elle a précisé le rôle pédagogique de la Cité moderne. Ce fut l’objet d’une conférence internationale qui s’assembla à Ouchy en septembre 1926. Cette conférence fut amenée à proclamer notamment ce qu’on a appelé le Droit au sport et le Droit d’accès à la culture générale. Voici le libellé du premier : « Il existe pour chaque individu un droit au sport et il appartient à la Cité