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LE THÉÂTRE DU JORAT


Au-dessus de Lausanne s’étend une région élevée, âpre de climat, grandiose d’aspect, composée de collines que drapent des forêts sombres ; çà et là, des villages bien portants entourés de vergers sont installés dans les grands replis primitifs de cette puissante nature ; c’est le Jorat. Point d’industrie ; rien que le travail des prés et des bois : une population un peu particulière, assez clairsemée, habituée à l’espace et au silence, idéaliste à ses heures et n’oubliant pas ses traditions et le culte de son passé. Aussi lorsqu’en 1903 on célébra dans les villes et les bourgs le centenaire de l’entrée du canton de Vaud dans la Confédération Helvétique, Mézières, le petit chef-lieu du Jorat ne voulut pas se contenter de quelques lampions, d’un bal, de vingt-cinq fusées et de trois harangues. Non, les gens de Mézières entendirent se payer la représentation d’un drame écrit exprès pour eux, s’il vous plaît, et évoquant quelque épisode de leur histoire. René Morax leur donna La Dîme. De cette audacieuse tentative dont le succès dépassa toute attente, deux choses naquirent : le théâtre du Jorat et son répertoire. Car René Morax ne fut pas seulement l’inspirateur de l’édifice qui s’éleva bientôt sur le plateau de Mézières parmi les pommiers rustiques ; il composa, pour être jouées dans cet édifice, une série de pièces d’une admirable pureté de lignes et limpidité de conception. La Nuit des Quatre-temps, Henriette, Aliénor, fournissent dans des genres extrêmement différents une triple preuve de tout ce que peut refermer de beauté vivante l’étude des émotions et des passions essentielles de l’âme humaine envisagées sous l’angle des caractéristiques locales. René Morax avait d’ailleurs des idées très précises en matière dramatique. Il répudiait le plein air et la scène ouverte sur la campagne, avantages un peu factices dont on a sans doute assez vite épuisé les ressources. « Un théâtre, dit-il, doit être clos comme le sont les temples. » Seul un temple clos permet