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niale firent place, après l’Indépendance, aux Revivals, ces cyclones mystiques qui traversèrent tout le continent et déterminèrent la création d’innombrables sectes réformatrices et communistes. Avant la guerre de Sécession, le spiritisme fit rage. Puis le sentiment religieux s’épura et s’apaisa et un grand courant se dessina en faveur de l’union des différentes églises et même de la constitution d’une église nationale. Dans un pays aussi foncièrement religieux que les États-Unis, — ils le sont plus que l’Angleterre, — un tel courant a peu de chances de se détourner. C’est là ce qui, à mon sens, constituera l’obstacle au progrès du catholicisme américain dans l’avenir.

Vous saisissez déjà les éléments contradictoires qui constituent le grand problème transatlantique : éléments pacifiques, éléments belliqueux qui font de la question de guerre ou de paix, non point seulement une actualité, mais quelque chose de fondamental que l’Europe a eu la maladresse de ne point voir jusqu’ici. Rien que dans cet idéal de rénovation qui est caractéristique de l’âme américaine, nous démêlons des hérédités opposées, les unes poussant aux influences pacifiques, les autres aux influences belliqueuses. Voici maintenant d’autres traditions qui accentuent l’alternative.

Nous avons parlé de la fameuse doctrine de Monroë ; qu’elle ait ou non dévié de son sens primitif, cela n’importe. La pensée de Monroë n’a qu’un intérêt restreint : ce qui vaut, c’est la façon dont les Américains l’ont comprise et interprétée. Reportons-nous à l’époque où Monroë énonça son principe. C’était en 1823 ; mais dès 1818, la politique du cabinet de Washington à l’égard de l’Europe avait été formulée dans un sens identique. Or, depuis 1810, les colonies espagnoles levaient tour à tour l’étendard de la révolte et se formaient en républiques indépendantes. Les États-Unis ayant franchi la ligne du Mississipi ébauchaient en même temps leur rêve de grandeur et la démocratie populaire allait remplacer au pouvoir l’aristocratie virginienne. Les Américains applaudirent chaleureusement le langage de leur président et lui donnèrent une double interprétation : la première, c’est que l’Europe devait être évincée du Nouveau Monde ; la seconde, c’est que les États-Unis devaient servir de protecteur et de chef à l’ensemble des républiques américaines. Cette dernière prétention n’a pas été énoncée, mais elle a inspiré des actes et cela revient au même. Ce qu’on a appelé le Panaméricanisme n’a point jailli tout à coup du puissant cerveau de James Blaine,