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Page:Coubertin Une Olympie moderne 1910.djvu/8

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une olympie moderne

conçoit fort bien qu’un ensemble de bâtiments participant comme silhouette de la caserne, de la gare de chemin de fer ou de la Halle aux grains ne soit pas à même de composer la cité désirable. D’un autre côté, le site choisi influera nécessairement sur la conception architecturale. Le lac Léman ou la baie de San-Francisco, les rives de la Tamise ou celles du Danube, la plaine de Lombardie ou la Puzta, ce n’est pas même ordre de lignes et de couleurs ; chaque paysage inspirera des plans différents et il est bon qu’il en soit ainsi, car la collaboration étroite de l’homme et de la nature est un des éléments essentiels de l’eurythmie en pareille matière.

Il est toutefois certains principes généraux qu’on peut spécifier. Une des caractéristiques les plus heureuses de l’époque moderne est d’être revenus à la conception des grands espaces, à la compréhension de leur beauté et de leur utilisation possible. D’une façon générale, il semble que les générations antiques n’aient pas su y parvenir. En Chine ou à Héliopolis, certaines traces subsistent de monuments isolés. Mais, presque partout ailleurs, nous trouvons l’entassement et l’entassement semble avoir été progressif. Il existait déjà dans l’Inde et en Égypte ; la Grèce l’accentua et le Forum romain le porta à un degré inouï. En reconstruisant par la pensée les édifices dont les ruines s’enchevêtrent à nos pieds, nous arrivons à un invraisemblable chaos d’où il semble que la notion du recul ait été bannie par système. L’Altis d’Olympis était aussi un chaos et il nous est bien difficile de ne pas croire que l’eurythmie en eût singulièrement augmenté si un peu d’« air » avait été donné à tant de monuments disparates serrés les uns contre les autres d’une étrange façon.

Il n’y a rien à imiter dans une telle ordonnance. Elle était impratique et gênante non moins que critiquable au point de vue de l’art. Toutefois cette espèce d’agoraphobie architecturale dont furent atteints nos ancêtres ne doit pas nous inciter à verser dans une agoraphilie inverse. L’Olympie moderne doit nécessairement comprendre de nombreux édifices, ainsi qu’on le verra par l’examen auquel nous allons nous livrer de son organisation éventuelle. Ces édifices, de par leur destination, seront souvent solidaires les uns des autres. Il y aurait un réel inconvénient à ce qu’ils fussent séparés par des distances trop grandes. En plus de cet inconvénient pratique, la beauté ne manquerait pas d’en souffrir à son tour par l’impossibilité où se trouverait le regard d’embrasser le plan