Page:Coudriet, Chatelet - Histoire de Jonvelle et de ses environs, 1864.djvu/323

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Ainsi finit cette malheureuse année 1637. Encore plus calamiteuse que la précédente, elle laissait nos pays ruinés et dépeuplés par la guerre et la peste. Faute de bras et de bétail, les champs ne furent point ensemencés, ni en automne ni au printemps suivant, ou du moins ceux qui voulurent semer quelque chose, furent obligés de s’atteler eux-mêmes à la charrue[1]. Que l’on juge de ces malheureuses années par le tableau navrant que la plume d’un témoin oculaire nous en a tracé : « On vivoit de l’herbe des jardins et des champs. Les charognes des bestes mortes estoient recherchées aux voiries ; mais cette table ne demeura pas longtemps mise. On tenoit les portes des villes fermées, pour ne se veoir accablé du nombre de gens affamez qui s’y venoient rendre ; et hors des portes, les chemins demie lieue loing estoient pavez de gens hâves et deffaicts, la plupart estendus de foiblesse et se mourant. Dans les villes, les chiens et les chats estoient morceaux délicats ; puis les rats estants en règne furent de requise. J’ay veu moy mesme des gens bien vestus relever par les rues des rats morts jettez par les fenestres, et les cacher pour les manger. Enfin on en vint à la chair humaine, premièrement dans l’armée, où les soldats occis servoient de pasture aux autres, qui coupoient les parties plus charnues des cadavres, pour bouillir ou rostir, et hors du camp faisoient picorée de chair humaine, pour vivre. On descouvrit, en certains villages, des meurtres d’enfants tuez par leurs mères, et de frères par leurs frères, pour

  1. A Choiseul, un homme, avec ses trois fils, labourait un bichot par jour, a raison de 30 sous (Macheret, fol. 43, verso.)