Page:Coulevain - Le Roman merveilleux.pdf/17

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tact, je les taquinai sur leurs excentricités religieuses. Eh bien, je suis tentée de croire que ce dessin naïf avait été placé, là un peu à mon intention. Il s’est photographié dans mon cerveau, il y a peut-être fait un travail occulte qui a préparé ce volume. Oui, il faut que notre œil renaisse, que de subjectif, il devienne objectif. Cette renaissance, à laquelle la philosophie et la science travaillent à leur insu, marque la sortie d’enfance de l’humanité. Le miracle qu’illustrait le gros œil au fusain s’est accompli pour moi.

Pendant les trois quarts de mon existence, j’ai été, comme la majorité des humains, aveugle et sourde, jamais muette, toutefois ! j’ai regardé sans voir, entendu sans comprendre. J’étais née sans ce qu’on appelle la foi. La légende de l’Éden, que l’on me raconta comme à tous les nouveaux venus, ne fut pour moi qu’un conte ajouté à tous ceux dont mon cerveau était déjà farci. J’affirme la vérité de cette impression première. Plus tard, le catéchisme provoqua en moi une incrédulité curieuse et sincère. Ce fut le dogme de l’enfer qui jeta la méfiance dans mon esprit. Je refusai de croire que Dieu, qui prescrivait aux hommes le pardon illimité, pût. Lui, les condamner à des peines éternelles. Cela me paraissait invraisemblable. Le fait que l’humanité avait dû attendre si longtemps sa rédemption… quatre mille ans ! révoltait mon bon sens et mon instinct de justice. Je me mis à dire : « Vous devez tous vous tromper, les choses n’ont pas été arrangées ainsi. » Cette phrase, que je répétais souvent, a fait le désespoir