Page:Coulevain - Le Roman merveilleux.pdf/423

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espoir de retour et, à mon insu, le volume que j’ai écrit, la lecture de Gibbon, chaque chapitre du « Roman Merveilleux » m’y ramenaient inéluctablement. De nouveau les Dieux me disent : « En route, en route, pauvre Terrienne aux pieds fatigués. » Savent-ils com bien il m’en coûte même de lever les piquets de ma tente, de quitter ma chambre claire et gaie, cette table d’harmonie qu’est le lac Léman, les moineaux, les roitelets, les mésanges qui font de mon balcon une volière ouverte. Le savent-ils ? je le crois, car leur volonté m’arrive par le désir d’amis américains, d’amis très chers — qui me demandent instamment de venir passer la Noël avec eux à Rome. Ils m’écrivent en lettres énormes : « Come » « Venez. » Ce mot ainsi tracé m’impressionne curieusement… J’irai… oui j’irai… advienne que pourra ! C’est folie peut-être. J’ai trois ans de plus… quelque chose comme neuf campagnes… à mon âge les années comptent triple. N’est-il pas bien tard dans le jour pour refaire le pèlerinage de la Ville Éternelle ? Je sens combien s’est aminci le fil de ma vie… il me semble que, par moment, j’entends ricaner la sinistre ouvrière du destin, celle qui doit le couper… oh ! l’horrible femme ! Elle trouve sans doute qu’elle a été bien gentille de tarder si longtemps… mais quitter la Vie alors que je la vois si immense, belle d’une immortelle beauté, c’est dur ! Le courage me viendra. Si c’est à Rome que je dois succomber… il y a au pied de l’Aventin un des beaux cimetières du monde, le cimetière de l’étranger, celui dont Shelley disait :