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Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/111

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Ménage lui-même devait convenir qu’« ainsi la terre en tous endroits ne produiroit pas toutes choses[1] », et Balzac n’a pas perdu cette occasion de se moquer de son maître : « Je ne suis pas de l’opinion de notre Malherbe… Je n’ai nul sujet de vouloir mal aux œillets, aux violettes, aux tulipes et aux lys particulièrement[2] ». Ce n’est vraiment qu’à la pauvreté d’imagination de Malherbe qu’il fallait vouloir mal : une fois qu’il ne raisonne plus, le sage Normand n’est plus à l’aise. Il a beau copier Virgile, les fleurs qu’il y cueille trouvent dans son esprit sensé un terrain trop ingrat : l’hyperbole elle-même s’y déforme, quand le poète doit parler à vide, et qu’il n’est pas soutenu par un sujet plus grave qu’un récit de berger, et par des événements plus importants qu’un ballet. Il en était autrement quand, ayant à parler des victoires de Henri IV et des espérances que donnait le règne naissant, le poète officiel avait de lointaines et discrètes réminiscences de l’Églogue IV, n’en retenant que les idées applicables à la France, et les voyant, comme il faisait celles de Sénèque et d’Horace, à travers le monde moderne. La Prière pour le roi allant en Limousin présente des analogies avec l’Églogue, et Malherbe n’a pas eu. besoin de faire des efforts pénibles pour ressembler au poète latin. L’éloge du prince est amené de la même façon des deux côtés :

… quae sit poleris cognoscere virtus (v. 26) :
<quiconque…>… il peut assez connoître
Quelle force a la main qui nous a garantis[3].

Le triste passé n’est pas encore complètement effacé : manent sceleris vestigia nostri (v. 13) :

  1. O. c., p. 532.
  2. Entretien V, chap. 2.
  3. Malh., I, 70.