Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 143 —

Malherbe avait moins de goût, mais autant de mémoire que Jean Racine, et il ne demandait pas mieux que de copier les poètes latins. Quand il souhaite la bienvenue à Marie de Médicis, il promet qu’ « un dauphin lui va naître », et comme l’épithalame de la nouvelle reine ne doit pas être moins brillant que celui de Thétis, ce dauphin sera un terrible massacreur :

Oh ! combien lors aura de veuves
La gent qui porte le turban !
Que de sang rougira les fleuves
Qui lavent les pieds du Liban !
Que le Bosphore en ses deux rives
Aura de Sultanes captives !
Et que de mères à Memphis
En pleurant diront la vaillance
De son courage et de sa lance
Aux funérailles de leur fils[1]

  1. Malh., I, 50.

    Non illi quisquam bello se conferet heros,
    Cum Phrygii Tenero manabunt sanguine rivi
    ....................
    Illius egregias virtutes claraque facta
    Sæpe fatebuntur gnatorum in funere matres.

    Catulle, Epithal. Pelei et Thetidos (pièce 64e), 349.

    Tous les contemporains de Malherbe sont aussi féroces que lui, même Bertaut (Disc. présenté au roi allant en Picardie, p. 108 ; v. Grente, p. 215). Ce n’est pas la seule fois que Malherbe a promis Memphis à la couronne de France (v. encore I, p. 196) ; il ne sait pas louer son roi, comme dit M. Lanson, sans lui promettre la conquête de l’Égypte ; il ne se lasse jamais de férocités homériques et de « funérailles plus que n’en fit Ilion » ; il veut ruser Turin (I, 55), voir le Rhin et la Meuse « regorger de sang et de morts » (I, 65), et « l’épée — Au sang barbare trempée » (I, 92), « les plaines pavées de morts » (I, 115), et parlant des ennemis il se promet, tel l’Agamemnon de l’Iliade,

    Que leurs pucelles captives
    En nos maisons fileront.

    (I, 815.)