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avait répété la pensée avec grâce dans son Aminte[1], que Malherbe lisait avec tant de plaisir : cela n’empêche que Malherbe était fort embarrassé. Non pas pour la brièveté de la vie : en faisant rimer selon son habitude, le monde et l’onde, le destin et le matin, quatre vers était vite faits. Mais comment faire coucher le soleil ? Pour le faire luire, nous avons vu qu’il allait chercher ses souvenirs de mythologie. Pour dire : soles occidere…, il n’éprouve pas moins de peine. Il écrit d’abord :

Tel que se couche le soleil
Au soir accablé de sommeil…


Mais lui-même se sent choqué de ce coucher de soleil comateux, et il corrige, sans faire beaucoup mieux :

Tel qu’au soir on voit le soleil
Se jeter aux bras du sommeil,
Tel au matin il sort de l’onde.
Les affaires de l’homme ont un autre destin ;
Après qu’il est parti du monde
La nuit qui lui survient n’a jamais de matin[2].


Cette fois c’est bien Malherbe qui retardait sur Ronsard ; écoutez plutôt : « Je me souviens, raconte M. Gaston Boissier, que M. Patin, dans ses cours de la Sorbonne, nous citait, à propos de cette pièce, la traduction d’un de nos vieux poètes, moins exacte assurément que celle de M. Rostand, puisqu’il s’est permis de remplacer le soleil par la lune, mais où l’on retrouve davantage l’accent mélancolique de l’auteur latin :

  1. Amiam, che’l sol si muore, e par rinasce :
    A noi sua breve luce
    S’asconde, e’l sonno eterna nocte adduce (Aminta, 1er acte, chœur final).

  2. Malh., I, 269. Il reprend à peu près la même idée (I, 330).