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On dirait que du pays de Dante et de Pétrarque vient un souffle de printemps qui fait éclore les beaux vers au milieu des poèmes obscurs ; le XVIe siècle finissant est plein de ces images gracieuses, et Montchrestien fait dire aussi à Marie Stuart marchant au supplice :

Si la fleur de nos jours se flétrit en ce temps,
Elle va refleurir en l’éternel printemps[1]


Ainsi de temps en temps un beau vers vient sourire dans les Larmes, et André Chénier s’arrêtait, dans son commentaire, pour faire la généalogie du vers souvent admiré :

Le soir fut avancé de leurs belles journées[2].


« C’est peut-être à cette source que nous devons le vers divin de La Fontaine :

Rien ne trouble sa fin, c’est le soir d’un beau jour.


« Pétrarque a dit en un vers délicieux, par la bouche de Laure :

E compi mia giornata inanzi sera ;


« et moi, dans une de mes élégies :

Je meurs : avant le soir j’ai fini ma journée[3]. »


André Chénier ne songeait pas alors qu’il mettrait un jour la même gracieuse image, fleurie comme la rose de Malherbe, dans la bouche d’une jeune captive. Il ne disait pas non plus que les poètes du XVIe siècle étaient les maîtres ou du moins les prédécesseurs de Malherbe, que Henri, dans Ronsard,

  1. L’Écossaise, tragédie, acte V.
  2. Larmes, v. 247.
  3. Poésies de Malherbe avec Commentaire de Chénier, p. 15. Cette image de la vie comparée au jour revient plusieurs fois dans les Larmes : v. 156, 189, 215.