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Ce ne sont plus que flammes, glaces, naufrages[1], prisons, et martyres bénis : les yeux de Marie de Médicis sont toute la braise de Henri[2], qui peut languir à son aise dans la prison des cheveux de la princesse. Glycère est un « courage de glace ». Les yeux de celle que Malherbe appelle « son beau souci[3] », « peuvent beaucoup dessus sa liberté » ; ou encore les beautés « aux plus audacieux ôtent la liberté ». L’amant, tout en souffrant « le martyre », bénit « sa prison ». Et pour louer la dame, et les roses de son teint et l’ivoire de son front[4], toute la géographie et toute l’astronomie passent en métaphores. La dame est un beau ciel, une terre, quand elle n’est pas une mer : « bien est-elle un soleil[5] ». Les yeux aimés sont des « soleils agréables » qui s’en iront avec l’âge, « y laissant pour jamais des étoiles autour » ; pour Alcandre ils sont les « astres adorables où prend mon océan son flux et son reflux » ; plus tard, « l’âme ravie » de Malherbe « va regardant la chère beauté comme son pôle » ; et comme cette chère beauté (Malherbe a soixante-cinq ans quand il la célèbre) reste insensible, il s’écrie :

En tous climats, voire au fond de la Thrace,
Après les neiges et les glaçons,
Le beau temps reprend sa place,
Et les étés mûrissent les moissons ;

  1. La femme est une mer aux naufrages fatale…
    Ses flammes d’aujourd’hui seront glaces demain.

    Malh., I, 61
  2. Malh., I, 54. Cf. Grente, Jean Bertaut, p. 110, n. 1 et 2.
  3. Ce terme de « souci » se retrouva jusque chez V. Hugo : dans les Burgraves Guanhumara dit à Otbert : « Régina, ton souci ».
  4. Malh., I, 175.
  5. Malh., I, 236.