Et puis qui ne sait pas que la mer amoureuse
En sa bonace même est toujours dangereuse.
Et qu’on y voit toujours quelques nouveaux rochers
Inconnus aux nochers[1] ?
C’est ainsi déjà que Remy Belleau et les poètes du XVIe siècle, à l’instar des Italiens, « s’embarquaient à aimer[2] », que Régnier « se remet en mer[3] », que Voiture « s’embarque dessus la même mer où il pensa tant de fois abîmer[4] », que La Fontaine s’écrie :
Me voici rembarqué sur la mer amoureuse,
Moi pour qui tant de fois elle fut malheureuse[5].
- ↑
Malh., I, 29. Cf. :
Ah ! non si fidi alcun, perche sereno
Volto l’inviti el’ sentier piano mostri,
Nel pelato d’amor spiegar le vele.
Cosí l’infido mar placido il seno
Scopre, e i nocchieri alleta, e poi crudele
Gli affonda e perde tra i scogli e i mostri.(T. Tasso, Rime diverse, I, Sonnet : I’ vidi un tempo).La strophe de Malherbe n’a été ajoutée que dans la deuxième édition de la pièce (en 1627) ; elle a donc été composée dans le temps où Malherbe fréquente l’hôtel de Rambouillet et où il admire si fort le Tasse.
- ↑ Remy Belleau, t. II, p. 192.
- ↑ Régnier, Épître II, v. 96 ; cf. aussi Satire XVI (ou Épître II) À Fourquevaux, v. 54 et 55.
- ↑ Voiture, Élégie II, v. 7 et 8.
- ↑ La Fontaine, Élégie III (éd. des grands écrivains, t. VIII, p. 363). De même Brantôme, t. X, p. 425, 427. Cf. encore Corneille, Le Cid, II, iii :
Chimène. — Mon cœur outré d’ennuis n’ose rien espérer.
Un orage si prompt, qui trouble une bonace,
D’un naufrage certain nous porte la menace :
Je n’en saurois douter, je péris dans le port.