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Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/191

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La tradition continue jusque chez André Chénier : en des vers plus ou moins beaux les poètes français répètent tous la leçon de l’Italie.

La leçon comportait aussi bien des modèles de style qu’une métaphysique de l’amour, et Malherbe n’est pas exempt d’ « italianismes », le mot étant compris dans le sens le plus large. Il a le goût du trait spirituel, de la pointe, comme on disait alors, de l’effet produit, par exemple, par une antithèse, ou par la répétition du même mot dans un vers[1] ; et ce goût, il a trouvé amplement à

  1. Par exemple : « l’homme cesse d’être homme » (variante de la consolation à Du Périer), et les vers des mêmes stances :

    Aime une ombre comme ombre, et des cendres éteintes
    Éteins le souvenir.

    C’était déjà, du reste, un procédé de Marot et de Ronsard (Revue d’histoire littéraire de la France, 1902, p. 218).

    Malherbe a de même le goût des antithèses : Une fidèle preuve à l’infidélité (Larmes, str. 1), comme aussi Montchrestien (Tragédies, éd. elzév., p. 89) : Fidèle exécuteur d’une infidélité, et comme encore Corneille : Rends un sang infidèle à l’infidélité (Cinna, IV, II) et même Molière (Misanthrope, III, VII). Cf. encore : Tout ce qui plaît déplaît à son triste penser (Malh., I, 59) et le mot souvent cité de du Bellay : « Rien ne me plaît que ce qui peut déplaire — au jugement du rude populaire ».

    Edmond Arnould, De l’influence exercée par la littérature italienne, dans Essais de théorie et d’histoire littéraire, Paris, A. Durand, 1858, p. 416-417) disait : « Malherbe, tout en faisant des odes, est bien plus rapproché, par certains côtés, des Italiens que des Grecs, et même des Latins, bien que, par certains antres, il incline de préférence vers ces derniers. Cette régularité harmonieuse qu’il introduit dans notre phrase poétique, ce n’est certes pas à Pindare qu’il la doit ; il l’a reçue en germe de l’école du XVIe siècle et en a fait la loi sévère de notre poésie classique… On reconnaît l’influence de l’Italie à l’emploi fréquent de ces concetti dont Malherbe lui-même ne s’abstient pas toujours ».