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Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/212

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avait vue — et, de même que la Charente chez Ronsard et la Seine chez Baïf s’animaient ou s’indignaient à l’occasion des guerres civiles, de même, chez Malherbe, non seulement le Pô « tient baissé le menton » et le Tessin « consulte de se cacher », mais surtout la Meuse interpelle vigoureusement les princes révoltés et, avec les mêmes paroles, la Seine injurie le maréchal d’Ancre quand il est tué[1]. Dans l’Ode sur la prise de Marseille, Malherbe avait repris au chef de la Pléiade, qu’il avait cultivé pendant sa retraite, le vers heptasyllabe et la strophe de dix vers, calquée sur la strophe de l’Ode à Henri II : « Comme un qui prend une coupe »[2]. Il lui prend parfois, pour vanter son roi, plus que des formes rythmiques. Il dit de Henri IV, comme Ronsard de Charles IX, que, même sans ses droits héréditaires, sa vertu devait lui faire donner la couronne[3], et quoiqu’il reproche à Desportes une « fable nouvelle », il fait lui-même allusion aux fleurs de lys tombées du ciel, à l’origine troyenne des Français, comme aux Scythes descendus d’Hercule.

Enfin et surtout, Malherbe construit son Récit d’un berger au ballet de Madame exactement comme Ronsard, suivant une tradition déjà vieille[4], construisait ses Églogues. Le roi, ou les gouvernants, sont des bergers, ou même le dieu Pan — Madame Deshoulières

  1. Malh., I, 219, 239.
  2. Ronsard, t. VII, p. 41. Allais, Malherbe, et la poésie française, p. 297.
  3. Malh., I, 77.
  4. Voy. Guy, dans Revue d’histoire littéraire de la France (1902) p. 250 et sv.