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Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/231

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remplacer la rime ; destin rime à merveille. Nous dirons donc) :

Mais elle étoit du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.

(Voilà qui est parfait : car « il faut que les élégies aient un sens parfait de quatre vers en quatre vers, même de deux en deux, s’il se peut[1] ». J’y suis arrivé. Après ces stances, je puis me reposer dix ans).

Bertaut ressemble à Malherbe autant que peuvent se ressembler deux hommes élevés dans la même ville, à la même époque, instruits à peu près de la même façon, ayant lu les mêmes poètes et traitant souvent les mêmes sujets. On sait déjà, qu’ils parlent d’amour l’un comme l’autre ; quand ils paraphrasent les Psaumes, Bertaut est plus onctueux que Malherbe, et on a même vu en lui un des lointains précurseurs de Lamartine (qui du reste ne s’en est sans doute pas servi). Malherbe[2] connaissait fort bien les vers de Bertaut ; il les estimait même un peu, à ce que dit Racan, — quoiqu’il trouvât parfois ses pièces « nichil-au-dos ». Il est donc possible qu’il s’en souvienne un peu aussi. « Les cieux inexorables » qui sont rigoureux à l’amant, étaient de tous les climats, de même « ceux qui souffrent peu et se plaignent beaucoup »; mais Bertaut avait donné à tout cela des formes que tout le monde avait présentes à la mémoire, et Voltaire

  1. Racan, Vie de Malherbe, p. LXXXV.
  2. Voy. G. Grente, Jean Bertaut, p. 97 et passim.