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nombreux que nous ne pourrions plus dire de qui nous les tenons ; en même temps, les études humanitaires prenant toujours moins de place dans l’éducation générale, les influences classiques seraient moins vraisemblables ou moins certaines chez les écrivains actuels qu’elles ne le sont chez Malherbe.

Sans donc prétendre que tous les rapprochements indiqués présentent autant d’imitations, on peut en dégager quelques indications sur la pensée et l’art du vieux poète. « Pour donner à la poésie de Malherbe le nom qui lui appartient, disait Godeau, il faut considérer s’il imite, quelles sont les choses qu’il imite, et de quelle sorte d’imitation il s’est servi[1]. » Qu’il imitât, c’est ce dont Godeau lui-même ne doutait pas[2] : l’objet et la manière de cette imitation sont donc les seules questions à poser.

Ce Normand d’esprit positif et sensé à qui il est arrivé de sentir la profondeur d’une pensée biblique, qui comprenait le grec et pas les Grecs, s’est tourné vers les Latins. Il a trouvé dans Sénèque des idées générales qu’il a mises en prose et en vers ; et toute la raison dont il s’imprégnait encore par ses lectures, et les nombreuses raisons du dissertateur, ne faisaient que confirmer ses dispositions naturelles, peu favorables au pédantisme, aux fictions et à tout l’appareil des poètes du temps. Il pensait bien, au fond, que tout cela n’était que folie. Seulement, raisonneur de tempérament, et poète de profession, il jugea — et c’est une opinion toujours soutenable — qu’il fallait à la poésie une certaine dose de folie, « le grain de sottise » dont on a

  1. Godeau, Discours, dans Malh., I, 379.
  2. id., ibid. (« Je ne crains pas d’avouer pour mon auteur qu’il a toujours pris les anciens pour ses guides »).