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parlé depuis, et il crut — ce qui était en partie contestable — que la mythologie, les fictions, les images fleuries, les hyperboles ampoulées, les déclarations langoureuses constituaient toutes au même titre « les faveurs de Parnasse » et les sottises indispensables. Il se mit donc en quête de thèmes et de formules poétiques, et puisa à pleines mains dans ses souvenirs d’écolier et de liseur. Virgile parlait des violettes flétries et des moissons opulentes, Horace de la mort, Ovide des femmes et des dieux ; Martial, Stace et d’autres présentaient toutes sortes de traits et d’images. Les Italiens étaient passés maîtres en l’art d’aimer en vers, Pétrarque avait créé plus qu’une poésie : des manies et des ridicules ; le Tasse et d’autres avaient célébré les bergères. Enfin, la poésie française, en dépit des boutades du réformateur, n’avait pas chômé pendant le XVIe siècle, et il y avait bien des formes métriques, bien des pensées, des cadres et des décors à reprendre dans Ronsard et ses émules.

De tout cela, que fit Malherbe ? Il se trouvait à l’aise, et il pouvait avoir un trait de génie quand il s’agissait d’un homme d’esprit comme Horace, et d’une pensée de tous les temps et de tous les pays que le poète du Louvre sut faire française. Mais les fleurs virgiliennes ne se laissent pas manier d’une main rude, les dieux ont fait leur temps, et pour imiter Pétrarque

C’est peu d’être poète, il faut être amoureux ;


c’est fâcheux de n’être pas l’un, et d’être fort peu l’autre. Quant aux Français du XVIe siècle, on peut écrire mieux qu’eux, et si l’on ne retrouve pas la grâce de Ronsard et de du Bellay (qui est un don de nature), il est facile de penser plus fortement qu’eux, et d’écrire plus sobrement que ce bavard de Desportes. C’est dire qu’à côté de certains progrès Malherbe eut encore bien des gauche-