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Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/239

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ries, bien des imitations maladroites. Si ses vers aujourd’hui nous laissent souvent une impression de vieillerie ou du moins de « déjà entendu » qu’ils n’avaient pas pour Godeau et Balzac, cela tient sans doute en partie à ce que nous avons été gâtés par un siècle de lyrisme exubérant et sincère ; mais cela tient aussi à ce que Malherbe n’a pas été l’imitateur idéal et définitif. Il a imité pour d’autres raisons, pour d’autres besoins que Ronsard, et pour ces raisons il l’a fait moins souvent ; il ne l’a pas toujours fait de façon plus heureuse. Après lui, la poésie française eut encore des « éruditions » à désapprendre, et à mettre plus de goût, de mesure, de discrétion dans l’emploi des images et des thèmes poétiques. Il n’a pas parlé de l’imitation aussi congrûment que Montaigne ou La Fontaine où André Chénier (André Chénier dans sa seconde, dans sa bonne manière), et c’est donc sur son œuvre qu’il faut le juger (ce qui lui fait sans doute tort) en cette affaire. En le jugeant ainsi, La Fontaine ne s’est pas trompé quand, dans sa rapide histoire de la littérature française depuis Ronsard, il considère Malherbe comme usant plus fréquemment que les grands classiques, de ces éruditions dont la Pléiade raffolait :

Nos aïeux, bonnes gens, lui [à Ronsard] laissoient tout passer,
Et d’éruditions ne se pouvoient lasser.
C’est un vice aujourd’hui : l’on oseroit à peine
En user seulement une fois la semaine

. . . . . . . . . . . . . . .


Malherbe de ces traits usoit plus fréquemment.
Sous lui la cour n’osoit encore ouvertement
Sacrifier à l’ignorance ![1]


L’ignorance ! c’est celle des crocheteurs du Port-au-foin

  1. La Fontaine (éd. Regnier), IX, 373.