Aller au contenu

Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 28 —

le fondement des arts[1] », où l’imagination est pour tous « la folle du logis », en un temps où le plus illustre des Français l’appelait « maîtresse d’erreur[2] ». La Pléiade, qui se recruta surtout chez les Angevins, avait reçu sa première impulsion du midi de la France, et notamment de Lyon[3] ; elle avait eu un enthousiasme méridional pour la culture classique rapportée d’Italie ; et dans une exubérance de jeunesse et de rénovation, à travers des ambitions illimitées, elle avait fait entendre des accents émus et avait laissé des vers agréables en leur verte nouveauté. On commençait à soupçonner qu’elle avait échoué — du moins pour un temps — dans l’entreprise de donner à la France ses classiques définitifs. Une autre brigade, venue du Nord de la France, et plus sage, plus prudente, plus retenue, moins exaltée, moins poétique, allait recueillir sa succession. Celle-ci n’était même pas encore ouverte quand les Normands se présentèrent ; et c’est peut-être pour cela qu’on ne s’est pas toujours bien entendu sur ce qu’était venu faire Bertaut. À vingt ans Bertaut faisait des vers, et, avec le respect que les jeunes gens graves ont, à cet âge, pour les autorités littéraires, il révérait Desportes et Ronsard. Le vénérable chef de la Pléiade, chargé d’années et plus encore de gloire, montrait aux débutants d’alors la bienveillance que Hugo, dans sa vieillesse, accordait aussi à tous les jeunes ; Ronsard lisait même parfois leurs vers. Desportes lui ayant un jour présenté ceux de Bertaut, « étincelants et de lumière et d’art,

  1. Mme de Staël, De l’Allemagne, 2e p., chap. XVIII.
  2. Pascal.
  3. Brunetière, Revue des deux mondes, 15 déc. 1900 et janv. 1901.