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écrivains de la décadence. Avec quelques nuances que ce soit, tous admirent les Romains : « Je hais, dit Saint-Évremond, les admirations fondées sur des contes, ou établies par l’erreur des faux jugements. Il y a tant de choses vraies à admirer chez les Romains, que c’est leur faire tort que de vouloir les favoriser par des fables[1] ». Il y a surtout chez eux une littérature pleine de sagesse et de majesté dont les modernes peuvent faire leur profit. Le plus grand des écrivains normands est en même temps le plus romain des poètes français :

Corneille est à Rouen, mais son âme est à Rome[2] ;


et déjà les modèles de Malherbe sont surtout latins.


    Corneille admire le plus se trouvent être de verbeux Espagnols. — Flaubert nous dit de Bouilhet (Œuvres de Bouilhet, p. 302) (et ce pourrait être vrai d’autres plus anciens et plus illustres) : « Ce qu’il préférait chez les Grecs, c’était l’Odyssée d’abord, puis l’immense Aristophane, et parmi les Latins, non pas les auteurs du temps d’Auguste (excepté Virgile), mais les autres qui ont quelque chose de plus roide et de plus ronflant, comme Tacite et Juvénal. Il avait beaucoup étudié Apulée ».

  1. Saint-Évremond, Réflexions sur les Romains (éd. 1795, Paris, Renouard), p. 3.
  2. V. Hugo, Les Contemplations, liv. I, IX (éd. Hachette, 1884, t. I, p. 44). De même Casimir Delavigne, cherchant quel poète français il pourrait mettre à côté de Virgile et du Tasse, songe tout d’abord à Corneille, chantre de Pompée et de Cinna, et s’écrie :

    Chantre de ces guerriers fameux,
    Grand homme, ô Corneille, ô mon maître,
    Tu n’as pas habité comme eux
    Cette Rome où tu devais naître ;
    Mais les dieux t’avaient au berceau
    Révélé sa grandeur passée,
    Et, sans fléchir sous ton fardeau,
    Tu la portais dans ta pensée.

    (Messéniennes de 1827.)