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douleur en déclamations lyriques il éprouvait le besoin de détourner son esprit du monde changeant et vain. Il lui arrivait sans doute de se reporter, ainsi que tous ceux de son temps, vers Dieu et la religion. Déjà Desportes, grand pécheur repenti sur le tard, avait eu un pareil retour, plus amer, et plus bavard, dans sa Prière en forme de confession[1] ; et Corneille, Racine, La Fontaine, passeront encore, plus tard, dans leur vie et dans leur œuvre, par les mêmes étapes de la mondanité et de la résipiscence. Malherbe, semble-t-il, revenait à Dieu, ou « au divin », comme parle Renan. Il aime à citer le verset : Delectare in Domino et dabit tibi petitiones cordis tui[2]. Aux citations qu’un homme fait, on peut souvent deviner son état d’esprit : Malherbe, écrivant le Delectare in Domino dans son exemplaire de Desportes[3], et dans son Martial[4], a sans doute déjà les préoccupations qui lui feront dire enfin, en paraphrasant le Psalmiste :

N’espérons plus, mon âme, aux promesses du monde[5].


Lui qui s’était fatigué « à louer les vertus des hommes » sans être toujours satisfait de la récompense, et qui avait vu succomber les puissants de la veille, et lu tant de dissertations sur la vanité du monde, il était tout préparé à comprendre le psaume CXLV, et il a su en rendre

  1. Desportes, éd. Michiels, p. 516.
  2. Psaume XXXVI.
  3. Brunot, La doctrine de Malherbe, p. 89, et l’exemplaire de Desportes avec notes de Malherbe conservé à la Bibliothèque nationale à Paris (Inv. rés. Ye 2067).
  4. V. Bourbienne, Malherbe, points obscurs et nouveaux de sa vie normande, p. 193. — Cette citation qu’aime à faire Malherbe fait songer qu’aussi « La Harpe, devenu dévot, aimait à citer les psaumes » (Sainte-Beuve, Critiques et portraits, 2e éd., III, 17).
  5. Malh., I, 273.