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quelques idées générales avec une sobre vigueur[1]. La forme qu’il donne à telle pensée vieille comme le monde et la littérature, a déjà un ton cornélien ; comme l’auteur du Cid, il dit des rois :

Ce qu’ils peuvent n’est rien ; ils sont ce que nous sommes[2].


Il développe les lieux communs ordinaires sur la vanité du monde, et il ne parle pas des rois morts sans se ressentir des formules poétiques de la Renaissance :

Et dans ces grands tombeaux, où leurs âmes hautaines
Font encore les vaines,
Ils sont mangés des vers.


Ces âmes qui vivent dans les tombeaux sont de la théologie de la Pléiade[3] plutôt que de celle de la Bible : aussi le théologien Costar et le Père Bouhours en sont-ils offusqués[4]. Malherbe n’était donc jamais entièrement

  1. Sur les poésies bibliques de Malherbe, voir entre autres Delfour, La Bible dans Racine, Introduction.
  2. Malh., I, 274. C’était une idée familière aussi à Ronsard (éd. Blanchemain, I, 260, III, 287, 389 et surtout VII, 36 et 37 ; cf. H. Guy, Les sources françaises de Ronsard (Revue d’histoire littéraire de la France, 1902, p. 238). — Corneille dira (Le Cid, v. 157) :

    Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes,


    et Racine appliquera à un de ses héros la même pensée :

    Triste destin des rois ! Esclaves que nous sommes
    Et des rigueurs du sort et des discours des hommes.

    Iphigénie, I, 5).
  3. Rien n’est plus fréquent dans Ronsard que cette idée antique de l’âme vivant là où repose le corps : il l’applique, comme ici Malherbe, aux rois (Ronsard, éd. Blanchemain, t. VII, p. 11), à François Ier (ibid., p. 37) et à lui-même dans son fameux sonnet à Hélène. Cf. Malh., I, 41, 360.
  4. Sur cette discussion, voir éd. Ménage (2e, 1689), p. 220-223.