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Celle-ci se rencontre particulièrement chez les imitateurs des tragédies de Sénèque, dans l’Hippolyte[1] de Robert Garnier, dans la Médée[2] de Corneille, chez Tristan Lhermite, dans la Thébaïde[3] de Racine. Malherbe, lui, l’a prise au Traité des Bienfaits ; et après la fameuse strophe :

Ô soleil ! ô grand luminaire[4] !


dont Racine se souviendra avec un heureux à-propos dans son Iphigénie[5], il explique d’après Sénèque pourquoi « les méchants voient le soleil comme les bons[6] » en disant au « grand luminaire » :

tu luis sur le coupable
Comme tu fais sur l’innocent ;
Ta nature n’est point capable
Du trouble qu’une âme ressent.
Tu dois ta flamme à tout le monde :
Et ton allure vagabonde

  1. Hippolyte, III, 4.
  2. Médée, I, 4.
  3. Thébaïde, I, 1. Rien, d’ailleurs, n’est plus fréquent dans la poésie antique ; encore n’est-il pas sans intérêt de voir auquel des anciens les poètes français empruntent le plus souvent cette prosopopée.
  4. Malh., I, 78.
  5. Iphigénie, V, 4, La prosopopée de Clytemnestre contient la même idée que celle de Malherbe, et elle fait, comme celle-ci, rimer Atrée et contrée, et met festin à la fin d’un vers. — V. Iphigénie, éd. Lanson.
  6. Ainsi dit la traduction de Sénèque (Malh., II, 116). Si la même idée est aussi dans l’Évangile selon St Mathieu (V, 4), la suite des vers de Malherbe se rattache plus exactement aux dissertations philosophiques, plus familières à Malherbe que les Évangiles.